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Pour faire le portrait d'un oiseau

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Été 165, 1er mois

Le doux son de l’eau se déversant joyeusement dans une fontaine égayait l’atmosphère paisible de cette cour intérieure de l’Académie d’Al-Jeit. L’immense bâtiment recelait d’une multitude de ces petits havres de paix verdoyants et ce fut avec délectation qu’Énéole y trouva refuge. Elle plongea les mains dans l’eau fraiche et s’en aspergea le visage. Quelle chaleur ! Elle avait bien cru se dessécher entièrement durant le peu de temps qu’il lui avait fallu pour venir depuis le Palais Impérial. Aucun doute, l’été était bien là ! Les grandes rues ensoleillées de la capitale étaient désertées dès la fin de matinée, et tous quêtaient l’ombrage des étroites ruelles des différents quartiers. Pour l’heure, ce jardin était encore désert, comme les étudiants suivaient encore leurs cours du matin.

Admirant la flore colorée des lieux, la jeune femme replaça distraitement une mèche sombre qui s’était échappée de son chignon. Elle s’installa confortablement sur la margelle de la fontaine, lissant du plat de la main sa longue jupe turquoise. Elle apprécia un instant l’air frais sur ses pâles épaules laissées nues par une simple chemise blanche sans manche. Puis elle se mit à fouiller dans sa sacoche en cuir, parmi les carnets et les étuis. Elle écarta sans regret les notes de ses entrevues du matin. Les discussions avec certains nobles, ou bien leurs conseillers, pouvaient être interminables. Heureusement, d’autres savaient se montrer très direct. Certains projets discutés intéresseraient grandement son Seigneur, mais son rapport attendrait l’après-midi.

Énéole se sentait effectivement affamée. Elle tira enfin du sac son déjeuner, enveloppé dans un carré en tissu qu’elle posa sur ses genoux. Elle ne résistait jamais en passant la devanture de la boulangerie du coin du Lac Miroir. Ah, les tourtes y étaient fameuses ! Particulièrement celle au Coureur, agrémentée d’épices. Elle contempla quelques brèves secondes la belle pâte dorée avant de l’attaquer avec avidité. Malgré cela, elle mangeait tout de même de manière très distinguée.

Tout en savourant son repas, elle laissa ses pensées dériver vers Kastiel. Voilà longtemps qu’elle n’avait pas vu le jeune professeur. Ils s’échangeaient de temps à autre des messages grâce à leurs Chuchoteurs respectifs, mais prenaient rarement un moment pour se parler de vive voix. Pourtant, tous deux vivaient à Al-Jeit ! Mais la charge de conseillère pour l’une et de professeur en cycle avancé pour l’autre ne leur laissait plus guère de répits. Quand elle l’avait rencontré, il enseignait encore uniquement en premier cycle. Elle avait alors eu le plaisir de suivre ses cours d’Histoire du Dessin pendant trois ans. C’était un homme facilement abordable, agréable, et les années les séparant n’étaient pas si nombreuses, si bien que, lorsqu’elle ne fut plus son élève, leur relation évolua en amitié. Énéole n’avait également pu cacher sa curiosité pour son Don de Navigateur. Toutes les formes du Dessin la passionnaient et, contrairement à ce qu’on aurait pu croire vu son arrogance habituelle, elle faisait preuve de respect envers tous ceux qui usaient d’un Don particulier.

Un brouhaha d’abord lointain, puis de plus en plus proche, commença à s’élever, la sortant de ses réflexions. Les cours devaient s’être achevés. La dessinatrice s'imagina les étudiants qui se déversaient dans les couloirs de l'Académie : de futurs dessinateurs, mais aussi historiens, conseillers, professeurs... Elle eut un léger sourire au souvenir des sorties de cours à l’époque où elle-même étudiait. Sourire qui fit bientôt place à la surprise, puis à l’agacement.

« Va donc manger des graines, comme tes semblables ! », s’exclama-t-elle, irritée.

Voilà qu’un petit oiseau s’était invité à son déjeuner, picorant sans gêne les miettes tombées sur la serviette couvrant ses genoux. Celui-là n’avait pas froid aux yeux et ne semblait pas décidé à partir. Le passereau tourna même un bec menaçant vers le morceau de tourte qu’elle avait encore en main.

« Toi… », murmura Énéole en le fixant du regard.

Et l’oiseau se retrouva en cage.

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Peindre d'abord une cage...


Seïleen Dil'Silkea



Ah le soleil. Cet astre rayonnant dans les cieux azurs. Cette boule de feu synonyme de bonne humeur et d’énergie pour la plupart des gens. Mais l’ennemi de la Sittelle comme de Seïleen. Trop de lumière. Trop de rayons dorés. Sa chevelure qui resplendit. Les regards qui se tournent vers elle. Les murmures admiratifs. Ses joues en feu. La Sittelle ne sortait que de nuit, le soleil signifiait qu’elle n’avait pas sa place ici. Par tous les aspects, Seïleen n’aimait pas lorsque le soleil brillait haut et fort dans le ciel. Pourtant, c’était le cas en cette belle journée et elle devait bien être l’une des seuls à s’en plaindre. Pour peu qu’elle ait eu quelqu’un à s’en plaindre.
Elle se faisait toute petite sur le banc de l’amphithéâtre. Elle s’était installée à sa place habituelle sans réaliser que l’éclatant soleil allait juste la mettre si mal à l’aise qu’elle ne pourrait plus suivre le cours. Au fur et à mesure, en même temps que l’heure avançait, elle avait rangé ses affaires progressivement. Ombre, qui l’avait accompagnée ce jour-là, comme elle aimait le faire de temps à autres, sentait son agitation. Cela se traduisait également chez elle. Ainsi, l’oiseau agitait ses ailes à côté de la jeune fille qui se tortillait, sans réaliser que le moindre de ses mouvements projetait des éclats dans toute la pièce.
La sonnerie n’avait pas encore retenti qu’elle était déjà dehors, Ombre la précédent, comme si elle aussi voulait quitter la salle au plus vite, mais surtout les gens. La jeune fille volait presque aussi habilement que son amie dans sa hâte de fuir toute populace. Les couloirs étaient encore vides, mais ils ne tarderaient pas à se remplir et elle voulait éviter l’afflux de monde. Cependant, un léger incident stoppa sa course folle à travers les jardins et allées de l’Académie, prises par le soleil. Un petit cri d’oiseau et un sentiment d’absence, de vide.
Ombre. Où était Ombre ? Elle la chercha du regard, s’interrompant dans sa course brièvement, l’espérait-elle. Mais elle constata vite qu’elle allait devoir non seulement d’arrêter plus longtemps, mais aussi adresser la parole à quelqu’un. Une jeune femme assise au rebord d’une fontaine avait attrapé la sittelle. Il ne fallut pas longtemps à Seïleen pour deviner ce qu’il s’était passé. Elle avait un repas sur les genoux et, connaissant la gourmandise et l’intrépidité de sa compagne, la jeune dessinatrice sentait qu’elle était allée quémander de quoi manger. En plus, il était l’heure du repas, Ombre devait simplement avoir pensé qu’elle avait le droit. Seï partageait souvent avec elle alors cela ne lui avait pas paru très différent d’aller voir quelqu’un d’autre. D’autant plus que les gens se montraient plus souvent sympathiques avec un bel oiseau tout mignon et audacieux.
Mais visiblement, cette dame-là n’était pas parmi « les gens ». Et c’était une dessinatrice, ce qui força légèrement le respect de Seïleen. Une petite cage enfermait Ombre efficacement. Pas de porte, pas de sortie, juste des barreaux. Sa première idée fut de la libérer d’elle-même, mais à voir comment la cage se refermait sur elle, elle craignait avant tout de la blesser. Elle parcourut rapidement les spires avant de quitter l’Imagination, inquiète de la santé de son amie avant tout. La jeune femme avait un regard satisfait à s’être débarrassée de l’importune et Seïleen voulait absolument se hâter. Alors, s’obligeant à mettre sa timidité de côté, pourtant bien présente en une telle journée, elle s’approcha à pas de velours de la dame.
- Pa… Pardon, euh… Désolé de vous déranger mais… Pourriez-vous libérer mon amie… S’il vous plaît ?
Elle n’osait pas croiser son regard, elle se dandinait presque dans sa gêne, ses longs cheveux d’or cachant son visage. Ombre lança un piaillement qu’elle ne parvint pas à interpréter, voulait-elle sortir ou riait-elle de son sentiment de mal à l’aise ? Les deux étaient possibles, la connaissant. La jeune dessinatrice ne souhait rien d’autre que s’en aller alors, si la dame ne libérait pas Ombre, elle ne saurait que faire. En plus, les étudiants commençaient à sortir des salles et à se rependre, tels une marée noire menaçante, en direction des cantines. Elle sentait le cauchemar revenir, très vite, les regards retomberaient sur elle et elle ne saurait plus où se mettre.
Ah. Si. Elle pouvait se placer à l’ombre. Elle dessina une branche qui coupa les rayons dorées, rendant leur blondeur habituelle à ses cheveux. Au vu de la chaleur, qu’elle sentait envahir son corps à présent qu’elle était dehors, c’était un double avantage. La branche ne durerait guère, mais la discussion non plus, espérait-elle. Elle jeta un coup d’œil à la femme qui avait ce regard intéressé qu’elle détestait. Certes, les gens observaient toujours un minimum leur interlocuteur à la première rencontre, mais ce moment mettait toujours Seïleen mal à l’aise. C’était là qu’ils se faisaient la première impression d’elle. Qu’ils reconnaissaient sa beauté et étaient incapables de l’oublier.

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Peindre ensuite quelque chose
de joli


Maintenant que le téméraire était maîtrisé, Énéole prit le temps d’admirer sa prise tout en terminant d'avaler sa tourte. Le dos gris ardoise de l'oiseau contrastait avec le ventre roux, tandis qu’un fin masque noir lui donnait un air légèrement mystérieux. Il semblait peu à l’aise sur le plancher de la cage, cet oiseau habitué à grimper le long des troncs. Sa présence au sein de la Capitale de cristal et de gemmes intriguait la jeune femme qui resta pensive devant le petit être emprisonné.

Une volonté se tendit vers son dessin de cage, renonçant aussitôt, et, avant que la dessinatrice n’ait pu s’interroger plus longuement sur le sujet, un rayon de soleil éclatant lui fit cligner les yeux. La margelle où elle se tenait se trouvait pourtant à l’ombre, aussi leva-t-elle un regard plissé, découvrant la source de cette lumière avec étonnement. Une jeune fille s’était approchée, aussi discrètement que possible, mais sa chevelure blonde la trahissait en resplendissant par cette belle journée d’été.

Gardant une expression sévère, Énéole ne put retenir un sourire compatissant à sa timide demande. Demeurant assise, elle pencha la tête, tentant de deviner derrière les mèches dorées le visage de l’étudiante – car il ne faisait aucun doute qu’elle suivait des cours à l’Académie et ceux de Dessin, vu la tentative qui avait précédé son arrivée.

« C’est une sittelle, n’est-ce pas ? », répondit-elle, son expression s’adoucissant légèrement. « Je comprends mieux ce qu’elle fait ici. »

Malgré ce que les apparences laissaient croire, Énéole aimait les oiseaux et les connaissait plutôt bien. Cependant, elle les préférait sauvages et n'appréciait pas de les nourrir, ce qui les rendait d'après elle dépendants. Elle ne se permettrait cependant pas une remarque à ce sujet. Elle-même s'accordait la compagnie d'un cheval et d'un Chuchoteur. Il y avait de prime abord un côté pratique à la chose, mais l'affectif finissait toujours par s'en mêler et l'animal n'était plus vraiment libre – si pour autant il l'avait été un jour.

La branche bascula dans la réalité sans même qu'Énéole n'en ait perçu l'esquisse. Avec tous les dessinateurs alentours, les Spires étaient parcourues à tout va, et il devenait difficile de veiller sur l'Imagination. Elle considéra la création de l'élève dessinatrice avec intérêt, approuvant la judicieuse fonction de pare-soleil qu'elle remplissait.

« Joli dessin. Simple, mais efficace. », apprécia-t-elle, hochant la tête.

Elle fronça cependant les sourcils. La jeune fille ne semblait toujours pas décidée à dévoiler son regard. Mais la lumière ne se reflétant plus sur ses cheveux, Énéole ne put que constater qu'elle paraissait très jolie : une silhouette gracieuse, une peau diaphane,... sa timidité ajoutait une touche de fragilité supplémentaire qui en émouvait sûrement certains. Mais pas la conseillère, qui ne se fiait plus aux apparences depuis longtemps.

« Maintenant que le soleil ne vous aveugle plus, peut-être pourriez-vous dégager votre visage, Demoiselle ? Sans vouloir vous brusquer, je trouve cela perturbant de ne pas voir à qui je m’adresse. », ajouta-t-elle d’un ton plus doux.

Après tout, ce n’était qu’une enfant.

Sans ajouter un mot, Énéole effaça la petite cage, laissant l'oiseau libre sur sa jupe turquoise. Elle dirigea ensuite son esprit vers le dessin de la jeune fille, se l'appropriant avec précaution et, sans en altérer le tracé initial, prolongea la branche par un tronc à l'écorce gris-brun, couverte par endroits de lichen. Les racines de l'arbre irréel courraient désormais sur les pavés de la cour et s'étendirent dans toutes les directions, notamment entre les pieds de la jolie blonde.

La sittelle parut apprécier cette nouvelle attraction car, bien qu'il resta quelques miettes sur le rebord de la fontaine, elle partit immédiatement en exploration de l'écorce verticale. Ses petites pattes griffues lui permettaient de la parcourir aussi bien de bas en haut que de haut en bas, dans un manège tout à fait distrayant. Mais Énéole n'en oubliait pas pour autant la compagne de l'oiseau.

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Quelque chose de simple...


Quoiqu’elle puisse dire, Seïleen sentait son malaise s'accroître. Même son appréciation de son dessin ne fit que stabiliser ses sentiments, plus que de les apaiser. Mais l’ombre qui tombait sur elle l’aidait également et elle avait légèrement redressé les épaules, maintenant que sa chevelure n’attirait plus les regards. Cependant, elle n’attendait toujours qu’une chose : que l’inconnue lui rende Ombre pour qu’elles puissent aller déjeuner loin de toute population.
- Maintenant que le soleil ne vous aveugle plus, peut-être pourriez-vous dégager votre visage, Demoiselle ? Sans vouloir vous brusquer, je trouve cela perturbant de ne pas voir à qui je m’adresse.
Cette demande fit légèrement sursauter la jeune fille, et aussitôt, ses pommettes se teintèrent d’écarlate. Cependant, c’était une demande qui ne lui coûtait guère, du moins, aux yeux d’une étrangère, aussi était-il diablement impoli de refuser. Egalement, elle libéra son amie à ce moment-là. A voir les ailes bleues se déployer, un sentiment de soulagement s’empara d’elle et elle fut plus encline à accéder à la demande de cette femme. Cependant, elle sentit également son dessin changer, même alors qu’elle ne parcourait plus les spires. Sa méfiance revint mais n’eut pas le temps de s’installer que déjà, le dessin modifié était part de la réalité.  
Un tronc prolongeait habilement la branche dessinée par la jeune fille et fit aussitôt le bonheur de la sittelle. L’oiseau, habitué aux troncs, le parcourut agilement et en lançant de temps à autres des trilles appréciatrices. Seïleen se sentit à nouveau calme. Elle s’obligea à rationaliser. Non, l’inconnue ne lui voulait pas de mal, sinon, elle ne se serait pas comportée ainsi, vis-à-vis d’Ombre. C’était une femme, donc elle saurait ne pas la déranger quant à sa beauté, surtout qu’aucun représentant de la gent masculine n’était présent pour changer leurs comportements. Elle expira doucement, relâchant ses épaules et, d’une voix timide, se décida à répondre.
- Elle… S’appelle Ombre.
Et, s’exécutant enfin, elle redressa la tête, croisant le regard de la dessinatrice. Noisette. Telle était la couleur de ses yeux. Et à voir ses traits fins et son visage doux, elle aussi dégageait une aura qui devait intéresser les autres. Sa beauté n’avait en effet rien à envier à Seïleen et, étrangement, l’idée qu’elles fussent à égalité la rassura. Elle se sentit un peu plus en confiance et l’inconnue put voir à quoi elle ressemblait. Elle acceptait doucement de baisser sa garde.
Il y avait tant de monde dehors, désormais, qu’il était plus risqué de se rendre au déjeuner que de rester ici. Et elle ne se sentait désagréablement pas à sa place, debout, face à elle. Hésitante, elle finit par s’asseoir à côté de la jeune femme. Son dessin disparaissait doucement de la réalité, aussi Ombre revint-elle vers son amie et, apercevant les miettes laissées par la dame, elle s’y attaqua avec enthousiasme, sans que cette dernière ne semble offensée. Seïleen, elle, s’interrogeait.
- Qui êtes-vous ? Puis, précipitamment, euh, je ne vous ai jamais vue et, vous savez dessiner et, peut-être étiez-vous étudiante ? Mais… Euh, ne vous sentez pas obligée de me répondre. Désolé.
Et elle détourna à nouveau le regard, le temps de calmer sa respiration et de reprendre une couleur de peau un tant soit peu classique. A chaque fois, c’était pareil, elle voulait en savoir plus mais n’assumait pas ses questions et aurait voulu se faire aussi petite qu’un chuchoteur pour pouvoir passer inaperçue aux regards des autres. Mais en même temps, elle aimait poser des questions et comprendre les gens. Simplement, elle n’aimait pas que eux la connaisse, elle n’arrivait pas à accorder sa confiance.


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Quelque chose de beau


Énéole observait du coin de l’œil le ballet distrayant de l'oiseau sur son arbre. Elle ne manqua cependant pas de noter que la jeune fille parut finalement se décrisper. La libération de son amie à plumes la soulageait visiblement car elle osa quelques mots pour la présenter. Puis, avec une certaine fierté, elle affronta enfin son regard. La conseillère demeura impassible en découvrant le visage de l'étudiante et pourtant, il y avait de quoi troubler n'importe qui : un ange, avec des traits d'une délicatesse et des yeux d'une couleur tout aussi incroyable. Le tout était emprunt à la fois de timidité et de caractère, ce qui ajoutait d'autant à son charme. Cela ne devait pas être facile tous les jours, d'attirer les regards et les convoitises...
Se sentant sûrement encore trop exposée debout, et comme l'ombre du feuillage s'effaçait progressivement, la jeune fille vint s'asseoir à son côté. Elle prit alors Énéole au dépourvu en lui décochant une série de questions.

« Alors ça, je ne m'attendais pas à vous transformer en moulin à paroles ! », s'exclama-t-elle, amusée. « Mais un moulin à paroles un peu timide. »

Énéole eut un nouveau sourire puis poursuivit tranquillement :

« Je m'appelle Énéole Til'Drane et je suis effectivement dessinatrice. J'ai quitté l'Académie il y a environ un an, peut-être n'étiez-vous pas encore sur ses bancs ? »

Cela lui semblait pourtant si lointain ! Elle avait l'impression d'être au service d'Azmor Jil'Vorah depuis des années. Elle ne regrettait pas vraiment l'Académie, car elle avait peu à peu eu besoin de plus de concret, mais cela restait dans ses souvenirs une époque heureuse.
Elle laissait son regard survoler la cour, parcourant les arches et les colonnes élégantes des lieux. La grâce donnée à l'Académie était une preuve tangible des pouvoirs du Dessin.

« Ce bâtiment est toujours aussi agréable et c'est bien un des rares endroits dans l'Empire où l'activité dans l'Imagination est aussi importante. Cette agitation dans les Spires est... stimulante. »

Même si une part non négligeable des conseillers de l'Empire étaient des dessinateurs, l'occasion d'utiliser le Don de manière créative au quotidien se faisait rare. C'était un des regrets d'Énéole quant à son travail, aussi ne manquait-elle pas une opportunité de parcourir les Spires. Elle avait tout de même consacré du temps à leur étude et se sentait tout à fait à l'aise dans leurs moindres détours.

« Mais je m'égare. J'étais venue ici pour voir un ami. Peut-être l'avez-vous d'ailleurs en cours d'Histoire du Dessin ? Kastiel Acciari ? »

Celui-ci devait la retrouver à la sortie des cours. Comme le flot des étudiants se tarissait petit à petit, le professeur ne devrait pas tarder à se manifester. Quoi que, connaissant le caractère lunatique de ce dernier, elle ne serait pas étonnée qu'il soit embarquée dans une quelconque activité qui aurait pu lui traverser l'esprit à ce moment-là.


HRP :

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Quelque chose d'utile...


Un moulin à paroles, elle ? Voilà bien la première fois qu’on la qualifiait ainsi, même si timide lui correspondait bien plus. Les trois mots flottaient dans sa tête, dans une bulle de surprise. L’autre semblait amusée et cela fit simplement rougir Seïleen. Elle se maudissait, elle aurait déjà dû quitter cet endroit, aller se cacher elle ne savait où, peu importait, tant qu’elle n’avait nulle conversation à mener et nul regard à affronter. Mais l’autre avait choisi de passer du statut d’inconnue à connaissance, en se présentant brièvement :
- Je m'appelle Énéole Til'Drane et je suis effectivement dessinatrice. J'ai quitté l'Académie il y a environ un an, peut-être n'étiez-vous pas encore sur ses bancs ?
Seïleen lui lança un petit regard en coin. Elle avait piqué sa curiosité, les questions se succédaient dans sa tête et elle ne fit un tri rapide entre les inutiles et les plus intéressantes. Connaitre par exemple la spécialité qu’elle avait choisie intriguait grandement la jeune étudiante. Elle savait laquelle l’intéressait, mais son choix n’était pas arrêté et elle avait toujours eu envie d’accéder à l’inaccessible. La dame avait une aura d’assurance qui fascinait toujours la timide dessinatrice : comment pouvait-on s’affirmer ainsi ? Surtout que la jeune femme ne manquait pas de beauté, l’avait-on également embêtée longuement à ce sujet ? C’était cependant un sujet qu’elle se savait incapable d’aborder, elle aurait sinon à parler d’elle-même ce qu’elle se refusait à faire.
L’autre parcourait du regard le paysage, assurément l’un des plus beaux que puisse contempler un dessinateur. Un homme normal verrait de splendides envolées de pierre et de verre, de joyaux et de verdure, un exploit architectural impressionnant. Il en devinerait l’usage du dessin, apprécierait l’élégance de l’ouvrage et peut-être même en devinerait l’âge – bien que tout le monde sache de quand datait l’Académie. Mais un dessinateur voyait dans n’importe quel endroit d’Al-Jeit de pures merveilles. Certains endroits, tels le Miroir, étaient dignes qu’on verse une larme pour eux. L’Académie en faisait partie. Les envolées pierreuses traduisaient une courbe emplie de pureté et de joie, une volonté simple de faire le monde plus beau. La manière dont les fenêtres prenaient le soleil montraient que l’espace était destiné à être un lieu de savoir, en illuminant l’intérieur et en projetant d’éclatants reflets vers l’extérieur, sans éblouir les spectateurs. Seïleen n’était toujours pas habituée à la beauté d’Al-Jeit et elle aimait regarder l’Académie comme au premier jour. Pour le moment, à force de marcher tête baissée, elle connaissait le tracé des jardins, le dessin alambiqué des petites barrières protégeant les sublimes pelouses, plus vertes que jamais malgré la chaleur estivale et la noblesse des escaliers de pierre taillée qui menaient à chaque bâtiment.
- Ce bâtiment est toujours aussi agréable et c'est bien un des rares endroits dans l'Empire où l'activité dans l'Imagination est aussi importante. Cette agitation dans les Spires est... stimulante. (elle laissa passer un moment) Mais je m'égare. J'étais venue ici pour voir un ami. Peut-être l'avez-vous d'ailleurs en cours d'Histoire du Dessin ? Kastiel Acciari ?
Cette fois-ci, elle leva la tête, un peu soudainement. Elle connaissait le professeur Acciari ? C’était l’une des seules personnes que Seïleen appréciait un peu. Sa manière de traiter tous ses étudiants de la même manière, sans s’attarder sur ses traits plus que nécessaire, sa connaissance et sa passion et même sa manière de tenir un cours, tout cela intéressait grandement la jeune dessinatrice. Elle avait du mal à accepter sa présence, comme tous les gens qui l’entouraient au quotidien, mais elle avait la sensation qu’elle pourrait le faire plus tôt qu’elle ne l’aurait pensé possible. Elle hocha doucement la tête, en réponse. Puis, se souvenant qu’elle devait faire un effort, malgré son manque de motivation à ouvrir la bouche, elle formula soigneusement sa phrase. Elle fixa son regard sur Ombre, qui s’était installée sur ses genoux après ses récentes émotions, afin de fermer un peu les yeux, rassurée par l’ambiance détendue qui régnait. Détendue, son amie ne l’était pas, mais tout était relatif et la sitelle sentait que Seïleen avait choisi la situation. Comparé à certaines situations, elle était complètement relaxée, même !
- Oui, je le connais… C’est mon professeur.
Quelle inutilité cette phrase avait ! Elle avait envie de se gifler, comment les gens voudraient avoir un quelconque intérêt pour elle, sa beauté exceptée, si elle n’était pas de plus agréable compagnie ? S’obligeant à lever les yeux, elle vit justement le professeur passer. Elle hésita. L’appeler, lui dessiner un message, n’importe, elle pouvait au moins faire remarquer sa présence à Enéole, puisque c’était son nom. Comment l’avait-elle retenu, d’ailleurs ? Elle ne s’en soucia pas plus longtemps et laissa échapper dans un murmure forcé :
- Le voici, si vous… Si vous voulez le saluer. Je vous laisse aller le voir ?
Comme ça elle pourrait s’enfuir ! Quelle bonne idée ! Elle sentit un peu de soulagement remonter et ses commissures s’étirèrent légèrement. Bien évidemment, elle ne le montra pas, le professeur était souvent si occupé qu’il n’aurait peut-être aucun temps à leur accorder. Son imagination galopante imagina ce qui, pour elle, serait d’horribles scénarii. Il pourrait lui demander de tenir compagnie à la jeune femme, voire même la placer à son service, ou elle ne savait quelle idée saugrenue. L’un de ses professeurs l’avait bien obligée à louper une semaine de cours pour suivre un haut dignitaire, alors pourquoi pas cela ? Elle avait simplement envie de solitude, ainsi, personne ne pouvait la déranger. Elle se leva, désireuse de s’éloigner. Seulement, les choses n’étaient pas si simples et elle allait encore avoir la compagnie de la jeune femme un petit moment.


HRP :

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HRP :


« Par la Dame, Kass’, tu vas les rendre dingues. »

« Mmh ? Quoi ? »

Distrait, Kastiel détache ses yeux noisette de ses notes pour les poser sur le visage couvert de taches de rousseur d’une femme à l’épaisse chevelure brune coiffée négligemment – mais toujours avec une classe surprenante - qu’il connait bien. Sa collègue et amie Sybile Fil’Verleen, appuyée contre le cadre de la porte de sa salle de classe, bras croisé, le nargue avec un sourire mi-amusé, mi-découragée.

Kastiel lance un rapide regard autour de lui, perplexe, mais connaissant trop bien ce regard pour ignorer ce qu’il signifie.

« Qu’est-ce que j’ai fait encore ? »

Sybile lève les yeux au ciel et le pointe d’un doigt accusateur.

« Tu t’es vu au moins ? »

Le professeur d’Histoire du Dessin baisse les yeux pour regarder l’état de sa chemise normalement bleu clair, mais désormais tirant sur le gris sombre puisqu’entièrement trempée. Il réalise alors que l’étrange sensation de chatouillement dans son cou n’est pas un produit de son esprit, mais bien des gouttes d’eau s’écoulant de ses cheveux mouillés. Il n’y portait plus attention, absorbé qu’il était dans ses notes pour le cours suivant. Il faut dire que l’une des principales qualités de Kastiel Acciari est définitivement de se laisser facilement distraire.

« Ho, ca ? Ce n’est rien. Il faisait une chaleur étouffante dans la classe, du coup, je leur ai fait une démonstration interactive de l’attaque des pirates Alines sur Port Impérial qui fut contrée par les Sentinelles en l’an 24. Tu sais, cette fameuse histoire qui… »

« Oui oui, je sais tout ça, ce n’est pas ça le problème. »

Encore plus perplexe, Kastiel fronce les sourcils.

« Quoi alors ? Ne me dis pas que l’administration s’en fait encore avec ça ? Ok, j’étais allé trop loin avec l’histoire des flammes dans la cour intérieure, mais un peu d’eau ne fait de mal à personne et… »

« Non, imbécile ! Tes étudiantes ! »

« Quoi mes étudiantes ? »

Il ne comprend définitivement pas ou veut en venir sa collègue. Il lui a pourtant semblé que tous ses étudiants étaient particulièrement contents après le cours de l’avant-midi. Ce dernier étant un cours de troisième année de deuxième cycle, tous ses étudiants connaissaient bien ses méthodes d’enseignement et ne s’en étonnaient plus depuis longtemps. Alors où est le problème avec eux et son cours ?

« Tu as beau être une personne que j’admire pour son intelligence et ses recherches, bon sang que tu peux être stupide parfois. C’est ce que tu as l’air, le problème, Kass’ ! »

Kastiel baisse de nouveau les yeux vers ses vêtements. Il n’est pas du genre à s’inquiéter de son apparence ou d’en être honteux, mais l’insistance de Sybile le fait rougir. Mal à l’aise, il lance :

« Ok, j’ai l’air stupide, c’est vrai. Trempé à son bureau n’est pas exactement l’image professionnelle par excellence, mais… »

« Naaaan. Je doute que le professionnalisme soit ce qui faire glousser en rougissant les gamines qui passent depuis vingt minutes devant la porte de ton bureau. »

« Elles… gloussent ? »

Convaincu que les jeunes femmes rient de lui, il arc un sourcil et étire le cou pour tenter d’apercevoir les étudiantes qui passent justement derrière Sybile. Cette dernière, définitivement désespérée de lui, ferme la porte derrière elle et vient s’assoir sur le coin de son bureau.

« Non, sérieusement, depuis le temps, tu n’as toujours pas réalisé l’effet que tu leur fais ? C’est vrai qu’entre les croutons qui enseignent les théories sur les Spires et les collets montés de la théorie appliquée, tu n’as pas beaucoup de compétition, mais n’empêche, Kas’, tu dois au moins connaitre ta réputation ? »

Kas’ tire une grimace. Ho pour ça, oui, il a déjà entendu plusieurs conversations à son sujet, reçut quelques mots d’amour anonymes de la part d’étudiantes ou encore s’est fait dire par un collègue que certaines de ses élèves le trouvaient plutôt agréable à regarder, mais… ça doit bien arriver à tout le monde, non ? De toute façon, cette attention n’est pas désirée et il ne s'en préoccupe pas, ne le remarquant même jamais. On l’a déjà traité d’aveugle et, pour citer « qu’on pourrait l’écrire sur le front de la fille qu’il ne verrait rien ».

« Et il faut croire que l’image du professeur sexy et décoiffé avec une chemise trempée et moulante suffit à embraser son esprit. »

Aïe. On peut toujours compter sur Sybile pour ne pas passer par quatre chemins ni ne prendre aucun gant blanc. Devenant rouge pivoine, Kastiel se met à rire, partagé entre l’amusement et la gêne.

« Par Merwyn…  »

Il se lève et effectue un mouvement de bras, entrant dans les Spires pour active son Don, puis se mit à rapidement extraire l’eau de ses vêtements et de ses cheveux. Une petite bulle d’eau se forma très vite dans les airs, en suspend devant lui puis, une fois suffisamment sec, Kastiel la dirigea vers un grand vase ou le reste de l’eau qu’il avait utilisée pour la démonstration pendant son cours reposait déjà.

« Mieux ? »

« Tu as une allure terrible, mais oui, c’est mieux maintenant. Quoi que puisqu’on en parler… Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée que d’utiliser tes pouvoirs de séduction consciemment, pour une fois, non ? Plutôt que de faire des victimes dans ton énervante innocence, tu pourrais en tirer quelque chose. Ne serait-ce que pour... enfin, tu dois bien devoir coucher avec quelqu'un de temps à autre... »

« Avec une de mes étudiantes ? Bon sang, Syb’, pour qui tu me prends ? Déjà, c’est complètement non professionnel, ensuite, je ne suis même pas certain que ce soit légal, et puis je suis trop vieux pour elles, ok, pas tant que ça, mais quand même, et puis… »

« Pas avec une étudiante, tête de Gommeur ! J’ai l’esprit tordu, mais pas à ce point, voyons. Non, je veux dire sortir avec une femme, de ton âge. Ou… enfin, tu vois ce que je veux dire. Je ne t’ai jamais vu ou entendu parler d’un rendez-vous galant. »

L’expression de Kastiel se fige. Il se détourne de son amie et son expression disparait à sa vue alors que ses cheveux sombres lui tombent dans le visage comme il se penche sur son bureau pour rassembler ses effets personnels. Sa voix est douce, mais détachée lorsqu’il lui répond simplement :

« Je sais que tu souhaites m’aider, Syb, mais je n’ai pas besoin de ce genre de relation dans ma vie, je te rassure. »

« C’est de la crotte de Siffleur, ça. Je sais que c’est difficile, après Ana, mais… »

Le regard que lance Kastiel à Sybile lorsqu’elle prononce le nom de sa défunte épouse arrête la jeune femme dans son élan. Pas froid, agressif ou menaçant, loin de là. Kastiel Acciari n’est pas ce genre d’homme. Plutôt… douloureux. Lui-même glacé sur place. Elle se mord la lèvre, consciente d’être allée trop loin, puis tente de revenir un peu en arrière.

« Ok, je comprends. Mais tu es certain que tu n’as personne en vue? Je sais que tu es très proche de Dame Nil’Lysah, mais comme celle-ci est mariée et que tu n’es pas ce genre de personne, je n’ai aucune suspicion à son sujet. Mais sa jeune sœur, Ilenia ? Vous vous entendez bien non ? »

« Ilenia est une amie, c’est tout. Je ne crois pas qu’une Nil’Lysah ne se marierait jamais avec un non-noble, de toute façon, avec leur responsabilité pour leur nom et leur famille… »

« Si seulement tu acceptais cette foutue particule que les dirigeants de l’Académie veulent te coller depuis des années aussi, tu me faciliterais la tâche! M’enfin… il y a bien cette jeune femme, avec qui tu corresponds souvent aussi, non ? Énéole ? Elle n’est plus ton étudiante depuis au moins un an, ça compte… »

Kastiel, exaspéré, ouvre la bouche pour répliquer, mais se fige soudant, se souvenant alors d’un détail important. Il jette un rapide coup d’œil au sablier qui compte les heures de cours sur le coin du bureau et laisse échapper un petit juron coloré avant de s’empresser de tout ranger ses effets personnels pêlemêle dans son sac.

« Quoi, j’ai dit quelque chose qui fallait pas, encore? »

« Non, je viens de réaliser que je suis en retard pour un diner avec une amie, je suis désolé, je vais devoir y aller. »

« Une amie? »

Sybile à sauter en bas du bureau, excitée, et se met entre lui et la porte pour lui barrer le chemin, un sourcil arqué en signe de curiosité. Elle ne le laissera pas passer avant d’avoir l’identité de la demoiselle. Kastiel sent déjà venir la suite et préfèrerait l’éviter, car même s’il adore Sybile, il ne sait plus comment la convaincre qu’il est heureux en éternel célibataire. Enfin… ce n’est pas tout à fait vrai. Il n’est pas « heureux » d’être célibataire, mais la simple idée de remplacer Ana lui est inconcevable. Néanmoins, s’il ne souhaite pas être encore plus en retard qu’il ne l’est déjà, il devra bien lui donner ce qu’elle veut.

« Énéole, justement. Tu peux me laisser passer maintenant ? »

Kastiel sourit, amusé malgré lui par l’expression de profonde joie conspiratrice sur le visage de son amie. Celle-ci s’écarte un peu à regret en précisant :

« Seulement si tu promets de TOUT me raconter plus tard ! »

Kas lui répond avec un rire plus amusé que convaincu et lance derrière lui, avant de franchir la porte :

« Pia, tu viens ? »

La chuchoteuse qui somnole depuis la fin de son cours dans un tiroir du bureau laissé entreouvert dresse la tête en entendant son nom. Elle saute sur le bureau puis disparait d’un seul coup, se dématérialisant grâce au dessin et au pas sur le côté propre à son espèce sur l’épaule de Kastiel. Ce dernier salut Sybile qui le regarde ensuite s’éloigner à la course dans le corridor baigné de soleil, un dangereux sourire pendu aux lèvres.

Kastiel est presque arrivé dans la cour extérieur où doit déjà l’attendre Énéole depuis plusieurs minutes lorsqu’il réalise qu’il a oublié d’apporter quelque chose à manger. Plutôt que de tourner à droite vers la cour intérieure, il bifurque à gauche pour prendre la sortie principale ouest de l’Académie. Il se retrouve rapidement dans une rue bondée de passants, gens de la haute société d’Al-Jeit, d’étudiants de l’académie et de marchands ambulants profitant de la belle journée d’été et de la foule pour vendre leurs produits frais.  Kas’ s’arrête devant le premier marchand, qui vend une impressionnante variété de fruits pour un si petit stand. Hésitant sur le choix à faire, il baisse les yeux vers la petite boule de poil grise juchée sur son épaule et demande :

« Qu’est-ce qu’on devrait prendre, ma belle ? »

Pia ne se fait pas prier. Elle frémit déjà des moustaches, les yeux rivés sur le gros panier de framboises rouges gorgées d’eau et de soleil. Ses favorites. Elle en sautille presque de joie et d’envie. Kas’ sourit

« Tu as raison, c'est le meilleur choix. »

Il demande au marchand de lui vendre le panier en entier. Si Énéole aime autant les framboises que Pia, il pourra peut-être se faire pardonner son retard en la gavant de fruits rouges.

Son nouveau panier à la main, il reprend le chemin de la cour intérieure. Celle-ci aussi grouille d’étudiants, mais il repère rapidement le coin d’ombre un peu isolé près de la fontaine ou se trouve, toujours aussi digne et élégante, sa jeune amie.

« Je suis sincèrement désolé pour mon retard, j’avais un cours à préparer, et puis il y a eu un problème impliquant de l’eau et… enfin, tu sais comment je suis, pardonne-moi. D’ailleurs j’espère que tu aimes les framboises, je crois que j’ai vu trop grand pour mon estomac et celui de Pia. »

Il lui offre un sourire contrit, cachant mal sa joie de la revoir. Lui et Énéole ne se voient pas souvent, bien qu’ils vivent dans la même ville, de par leur vie plus qu’occupée, mais restent en contact régulier par correspondance ou chuchoteurs. Son amitié lui est chère et il est toujours heureux de la voir.

Pia pousse les petits cris aigus qu’elle émet généralement lorsque quelque chose l’intrigue ou attire son attention puis avant que Kastiel n’ait pu baisser les yeux vers elle, il sent son poids disparaitre de sur son épaule. Il voit alors sa petite compagne réapparaitre sur les genoux de la jeune fille blonde assise aux côtés d’Énéole, faisant sursauter l’oiseau qui s’y trouve déjà. Curieuse et amicale, Pia tend le nez vers l’oiseau. Kastiel reconnait aussitôt la jeune fille en question.

« C’est un plaisir de vous croiser ici, mademoiselle Dil’Silkea. J’ignorais que vous vous connaissiez, toutes les deux ? »

La jeune fille blonde est l’une de ses étudiantes de premier cycle. Solitaire, silencieuse et très réservée, voire littéralement gênée, elle a rapidement attiré son attention en classe. Kastiel a toujours eu cet instinct pour repérer les marginaux, les laissés pour compte et autres personnes du genre. Il met un point d’honneur à supporter les étudiants issus de milieux plus défavorisés, à faire briller le plein potentiel des plus réservés et des moins confiants en eux même… Au fil des ans, il en a même acquis une réputation particulière à l’Académie. Un autre des détails sur sa personne qui lui vaut le dégout des plus collet monté de la haute société d’Al-Jeit et de l’Académie, d’ailleurs.

Pour Seïleen, plus précisément, il tente toujours de comprendre si sa solitude et sa réserve sont de simples traits de caractère, et qu’elle est donc heureuse ainsi, ou s’ils découlent d’un malaise plus profond. Honnêtement, il penche plutôt vers la deuxième option. Il craint un peu que cela nuise à la jeune femme qui a un don et des capacités remarquables et souhaiterait pouvoir l’aider, à condition qu’elle lui accorde cette permission, bien entendu.

« Nous ne serons pas trois de quatre - non, pardon, de cinq - pour manger ces framboises, vous m'en voyez particulièrement reconnaissant pour votre aide ! »

Kastiel s’approche de l’arbre, glisse un instant ses doigts sur le tronc avec un sourire mystérieux et fasciné, puis s’assoit négligemment à même le sol au pied de ce dernier. Plusieurs étudiants dans la cour lui lancent des regards soit surpris – ne devrait-il pas se comporter comme les nobles et s’assoir dignement ? – soit donnant malheureusement raison aux observations de Sybile plus tôt. Mais encore une fois, Kastiel n’en remarque aucun, toute son attention dirigée vers Énéole et Seïleen. Adossé à l’arbre, il pousse un soupir d’aise et lance à l’intention de son amie :

« Je t’ai déjà dit à quel point j’aime la subtilité de tes Dessins, Énéole ? »

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Parfois l'oiseau arrive vite


Le nom du professeur d'Histoire du Dessin avait visiblement fait tiquer la demoiselle. Énéole ne doutait pas un instant que sa réputation reste intacte malgré les années qui passaient. De là à savoir si c'était le côté séduisant ou bien attentif de sa personnalité qui avait accroché la jeune étudiante... Énéole ne put retenir un sourire amusé à la pensée de son ami devant une classe. Elle se souvenait parfaitement, il y a quelques années maintenant, de ses propres camarades appartenant à la gente féminine : elles passaient la moitié du cours à se pâmer devant leur enseignant. Énéole, elle, n'était pas du genre à pouffer derrière son manuel.  Elle avait pourtant aussi été charmée par le jeune dessinateur, mais elle avait très vite compris qu'un mur invisible le séparait de toute relation plus qu'amicale. Un mur, ou un fantôme. Elle n'avait pas insisté.

La voix de sa jeune interlocutrice la tira de ses pensées. Celle-ci confirma qu'elle suivait effectivement les cours de Kastiel, sur un ton qui relevait pratiquement de l'aveu. Elle paraissait à nouveau très gênée, comme à leur rencontre, ce qui surprit Énéole après son assaut de questions. Elle avait du mal à saisir les changements d'état d'esprit de la jeune fille, qui mêlait timidité et curiosité. Son visage se dissimulait à nouveau derrière sa belle chevelure dorée.

Pourtant, elle n'était pas autant repliée sur elle-même qu'au début, ce qui était plutôt encourageant. Elle parla même de nouveau, signalant l'arrivée de l'intéressé.

Car voilà en effet que le professeur entrait dans la petite cour, avec son habituelle allure négligée. Ses vêtements froissés montraient bien qu'il ne tenait toujours pas en place et ne prêtait pas attention à son apparence. Un sourire doux vint éclairer le visage d'Énéole alors qu'il approchait.

Sans grande surprise, celui-ci se répandit en excuses quant à son retard, ayant déjà prévu de quoi se faire pardonner.

« Mon cher Kastiel, c'est un plaisir de te voir ! », répondit la jeune femme face à la joie peinte sur le visage du dessinateur. « Mais ne t'inquiète pas, j'avais trouvé de la compagnie. »

Compagnie que la fidèle Chuchoteuse de son ami n'avait pas manqué de remarquer. Une fois nez à bec avec la sittelle, la petite boule de poils grise semblait toute contente. Énéole connaissait bien Pia et surtout son basculement dans la réalité lorsqu'elle effectuait le pas sur le côté, car il était annonciateur de nouvelles de la part de Kastiel. Il n'en fallait généralement pas plus pour ensoleiller sa journée.

Mais aujourd'hui, le dessinateur était là en personne, ce qui était exceptionnel. Surtout en sachant que son esprit farfelu l'entraînait rapidement vers de nouvelles idées.Pour l'instant, il semblait bien présent et avait même reconnu son étudiante. Ce n'était en soit pas si surprenant, vu comme il se souciait de ses élèves.

Dil'Silkea. Le nom ne lui évoquait rien de familier, si ce n'est qu'elle était noble. Sa famille ne devait donc être ni d'Al-Jeit, ni d'Al-Chen, car la conseillère fréquentait beaucoup ces milieux. Peut-être venait-elle d'Al-Vor ? Al-Far restait, au fond, assez mal fréquentée, mais cela aurait pu justifier d'autant plus de l'avoir envoyé à l'Académie d'Al-Jeit. Cela signifiait en tout cas probablement qu'elle se retrouvait seule dans la capitale, ce qui ne devait pas faciliter son intégration.

Énéole ne répondit rien à son ami quant à leur éventuelle accointance, attendant de voir si la jeune fille osait répondre à cette remarque de son professeur. Il lui avait semblé déceler une pointe de préoccupation dans l'éclat noisette du regard de Kastiel. Cela ne l'étonnait pas qu'il s'inquiète de la timidité excessive de l'étudiante. Il avait tendance à prendre très à cœur les problèmes de ses élèves. C'était aussi cette capacité d'écoute qui avait plu à Énéole.

Kastiel en revint finalement aux appétissantes framboises qu'il avait apporté pour se faire pardonner. En riant légèrement, Énéole répliqua :

« Je dois aussi m'excuser, Kastiel. Comme tu vois, je n'ai pas résisté et j'ai commencé à manger sans toi ! Je n'étais d'ailleurs visiblement pas la seule à avoir faim, car une petite audacieuse est venue m'assaillir. »

Le ton amusé sur lequel elle avait prononcé ces paroles prouvaient bien qu'elle n'avait aucune rancœur vis-à-vis de l'oiseau. Elle lança un petit coup d’œil pour voir la réaction de sa maîtresse, avant d'ajouter :

« Ces framboises arrivent à point, je n'avais pas prévu de dessert. »

Et Énéole ne se fit pas prier plus longtemps pour attaquer la première. Tout en savourant le petit fruit, elle observa Kastiel étudier l'arbre créé plus tôt. Son dessin tenait encore, bien que celui de Seïleen s'était estompé depuis un moment. Avec les années, elle avait appris à renforcer ses créations. Cependant, elle était encore loin des dessins éternels comme la cité d'Al-Jeit.

« Toujours aussi charmeur, Kastiel. », dit-elle avec un peu d'ironie, qu'elle compléta avec plus de sincérité : « Je te remercie pour le compliment ! »

Piochant encore dans les framboises, elle poursuivit avec un sourire amusé :

« Tu ne changes pas, j'imagine que tes collègues doivent hurler à te voir de la sorte. Je ne sais pas ce que tu as dessiné lors de ton dernier cours, mais je te fais confiance pour t'être bien amusé. »

Il n'y avait pas une once de reproche dans ses propos. Bien que lorsqu'elle travaillait ou se trouvait à la Cour, elle respectait tous les codes et les usages, elle n'en tenait pas trop rigueur dans sa vie personnelle. Le jour où quelqu'un la verrait débraillée n'était pas venu, mais elle savait parfois lâcher prise.

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Mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider...


A l’approche du professeur, Seïleen sentit sa timidité revenir et elle se rassit discrètement sur la margelle de la fontaine, tentant de faire comme si de rien n’était « non, je n’ai pas voulu m’en aller, pourquoi ? ». Ombre reprit sa place sur ses genoux, calmement.
- Je suis sincèrement désolé pour mon retard, j’avais un cours à préparer, et puis il y a eu un problème impliquant de l’eau et… enfin, tu sais comment je suis, pardonne-moi. D’ailleurs j’espère que tu aimes les framboises, je crois que j’ai vu trop grand pour mon estomac et celui de Pia.
Pia ? A ce moment-là, un chuchoteur apparut sur ses genoux, également, poussant sans méchanceté la sittelle intriguée par cet étrange phénomène. Seïleen n’avait quasiment pas senti le pas sur le côté, l’incitant à penser que, décidément, elle n’était pas encore une vraie dessinatrice digne de se trouver à côté de ces deux-là. Qui donc mangeait en compagnie de son professeur et d’une inconnue ? Cette dernière avait répondu et le professeur regardait son étudiante avec un mélange de curiosité bienveillante et de gentillesse. Elle se sentit un peu mal à l’aise, mais le gros panier de framboises qu’il tenait à la main brisait définitivement l’image du professeur bien propre que M. Acciari évitait.
- Nous ne serons pas trop de quatre - non, pardon, de cinq - pour manger ces framboises, vous m'en voyez particulièrement reconnaissant pour votre aide.
Ombre avait déjà plongé le bec dans le panier avec gourmandise, faisant rougir son amie qui n’osait pas s’en approcher. Pia également avait entamé les fruits avec autant d’enthousiasme que l’oiseau. La jeune étudiante enviait la facilité avec laquelle Ombre s’était fait une amie de la chuchoteuse – puisqu’elle semblait être une femelle.
- Je dois aussi m'excuser, Kastiel. Comme tu vois, je n'ai pas résisté et j'ai commencé à manger sans toi ! Je n'étais d'ailleurs visiblement pas la seule à avoir faim, car une petite audacieuse est venue m'assaillir. Elle se servit et reprit, ces framboises arrivent à point, je n'avais pas prévu de dessert.
Tandis qu’elle se servait, le professeur observait son dessin. Celui de Seïleen s’était déjà effacé, si bien que cette dernière admirait le fait que celui de son aîné soit encore bien présent. Ses pommettes rougies par la timidité, surtout maintenant qu’elle devait faire face à deux personnes et non plus une, même si la deuxième était quelqu’un de connu et dont elle savait qu’il était vraiment bon avec elle, elle baissa gracieusement la tête vers les animaux gourmands sur ses genoux.
- Je t’ai déjà dit à quel point j’aime la subtilité de tes Dessins, Énéole ?
- Toujours aussi charmeur, Kastiel. Je te remercie pour le compliment. Se servant dans les framboises, elle poursuivit, tu ne changes pas, j'imagine que tes collègues doivent hurler à te voir de la sorte. Je ne sais pas ce que tu as dessiné lors de ton dernier cours, mais je te fais confiance pour t'être bien amusé.
La jeune étudiante ouvrit légèrement la bouche. Certes, le professeur avait un petit côté excentrique qu’on devinait très tôt, ne serait-ce qu’à voir l’aisance avec laquelle il s’était assis à même le sol, au pied de l’arbre, mais il restait quelqu’un pour qui elle avait du respect. Son don de navigateur la fascinait particulièrement, elle enviait la facilité avec laquelle il maniait les éléments et discutait avec les gens, comme justement avec Dame Enéole. Leur discussion était un mélange de sympathie et d’ironie qu’elle peinait à saisir. Les écoutant, elle ne sortit de sa concentration que lorsqu’Ombre lui donna un petit coup de patte. Une framboise dans son bec, elle la déposa dans la main de son amie avant de retourner se servir pour elle-même, d’un battement d’ailes. L’estomac de la dessinatrice gargouilla discrètement et elle s’empressa de manger le fruit, espérant que cela suffirait. Elle avait baissé la tête, n’assumant pas les regards qui s’étaient sûrement tournés vers elle, sans réaliser qu’ils n’avaient probablement pas dû l’entendre.
Ils discutaient tranquillement à côté d’elle, si bien qu’elle se sentait un peu effacée. Curieusement, elle n’en était pas tant gênée, contrairement à d’habitude. L’ambiance était détendue, elle n’était pas de trop, plutôt acceptée avec bienveillance. Ce qu’elle savait de ces deux personnages influait-il dans sa perception de la situation ? Elle tenta de respirer deux ou trois fois et cela la détendit. Ombre, qui s’était largement régalée de framboises avec Pia, s’était reposée sur ses genoux pour digérer. Visiblement, elle était même partie pour faire un petit somme. Seïleen ne lui imposerait pas de bouger soudainement, d’autant plus qu’elle n’en avait pas particulièrement envie. Où irait-elle, sinon ? S’obligeant à réfléchir à quelque chose d’intelligent à dire, elle ouvrit la bouche :
- Dame Enéole, vous aviez… Vous aviez cours avec M. Acciari ?
Raté pour l’intelligence. Aussitôt, avec précipitation, elle posa enfin l’une des questions qui l’avaient intriguée :
- Puis-je vous demander… Quelle spécialisation vous aviez prise ?
Elle se sentait un peu bête, détournant le regard, qu’elle avait de toute manière fixé sur la mignonne Pia, elle pria pour qu’elle le prenne à la légère et oublie ses mots. Pour se donner une contenance, elle se pencha et prit une framboise qu’elle enfourna rapidement. Elle avait l’impression d’être aussi rouge que le fruit. Calme-toi Seïleen ! Ombre s’agita un peu sur ses genoux et lança une trille douce qui lui permit de reprendre possession de ses moyens. Elle redressa la tête et croisa les regards de ses interlocuteurs. Décidément, c’était elle qui se faisait des idées ! Ils semblaient plutôt l’apprécier. Sa beauté faisait souvent cet effet aux gens, de toute façon, même inconsciemment. La différence était qu’ils ne se fixaient pas sur ses cheveux d’or ou ses mains délicates, mais plongeaient leurs regards en elle. Ils parvenaient à lui faire sentir qu’ils voyaient une jeune fille derrière cette belle enveloppe corporelle. Cela l’aidait et en même temps, peu habituée comme elle l’était, elle ne parvenait pas totalement à être à l’aise. Plus le temps passait, plus elle maudissait sa timidité !


HRP :

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Ne pas se décourager


Kastiel la faisait toujours autant rire. C'était bien l'une des rares personnes avec qui elle se montrait aussi relâchée. Elle en aurait presque oublié la discrète demoiselle assise à côté d'eux. Et pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, la jeune Dil'Silkea lui posa une nouvelle question. Elle fut si immédiatement suivie d'une autre qu'Énéole commença à se douter que c'était plutôt la panique qui la forçait à débiter ses pensées ainsi. Elle eut un sourire indulgent et prit le temps de répondre :

« J'ai effectivement eu cours avec Kastiel, pendant le Premier cycle. C'était il y a... voyons... environ cinq ou six ans ? Le temps passe vite, n'est-ce pas ! »

Elle-même n'avait encore jamais réalisé qu'elle connaissait Kastiel depuis aussi longtemps. Et que le début de ses études à l'Académie commençait à dater...

« Comme vous, j'ai suivi ses cours d'Histoire du Dessin. Et, sans vouloir le flatter, j'en garde un très bon souvenir ! », ajouta-t-elle en décochant un regard amusé à son ami.

Kastiel ne parut pas tiquer à sa remarque, aussi le fixa-t-elle plus franchement, haussant un sourcil interrogateur. L'air concentré, il lui adressa un geste d'excuse avec un petit sourire gêné, avant de désigner sa tête.

« Ah ! », lâcha Énéole. « Je crois que notre compagnon est momentanément indisponible. »

Il n'était pas toujours évident de se rendre compte que quelqu'un discutait dans les Spires, surtout lorsqu'on ne l'avait jamais expérimenté. En dehors de l'air absent généralement adopté par la personne en communication, rien n'était visible. Et Énéole n'avait pas l'impression que cela s'entende particulièrement dans les Spires. Elle ne l'avait en tout cas jamais ressenti, contrairement au pas sur le côté. Elle se tourna à nouveau vers l'étudiante.

« Je pense qu'il va discuter un moment. », conclut-elle avant d'enchaîner : « Pour répondre à votre seconde question, on va dire que j'aimais étudier ! J'ai d'abord suivi l'Étude des Spires, car c'est vraiment quelque chose qui me fascine. Cela m'a vraiment permis de devenir très sensible à ce qui se passe dans cette dimension. »

Devant les deux jeunes femmes, Pia faisait la maligne avec les framboises, se téléportant parfois à côté d'Ombre pour lui en offrir une. Entre deux couinements, la petite chuchoteuse agitait sa queue en plumeau comme pour épousseter les petits fruits. Énéole aurait pu passer des heures à regarder ces petits rongeurs s'activer, et elle eut une pensée pour Grenat, son propre chuchoteur, qui devait dormir en boule à la maison. Doucement, elle se glissa dans l'Imagination et traça quelques rubans colorés qui ondulèrent autour du panier de fruits. La chuchoteuse piailla d'excitation, comme elle savait si bien le faire, et elle se jeta sur les serpentins multicolores.

« Mais cela ne me suffisait pas. Je m'intéressais également au fonctionnement de l'Empire. Alors j'ai poursuivi deux années supplémentaires pour étudier la diplomatie et la politique. Cela fut très instructif, même si cela était assez restreint en terme de créativité. »

Complètement emberlificotée dans les rubans, Pia lança comme un regard de défi à la sittelle qui, jusque-là, était sagement restée sur les genoux de sa maîtresse.

« Et vous ? En quelle année êtes-vous ? », interrogea à son tour Énéole. « Je devine à vos questions que vous n'êtes pas encore en spécialisation. Mais peut-être avez-vous déjà votre petite idée ? »

La conseillère lui adressa un sourire encourageant, satisfaite de voir que la jeune fille commençait peu à peu à soutenir son regard.

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